Der Agrarwissenschaftler und Jurist August Haxthausen schildert die politische und gesellschaftliche Situation in den polnischen Gebieten. Er bezieht sich dabei auf jene Gebiete, in denen polnische Staatsbürger mit polnischer Muttersprache leben. In dem so definierten polnischen Gebiet unterscheidet er weiters drei politische Klassen: Adel, Klerus und bäuerliche Bevölkerung. Aus seiner Sicht gibt es in Polen kein Bürgertum. Die Stadtbevölkerung setze sich aus Juden und einer großen Anzahl an Deutschen zusammen. In den Städten seien alleine Arbeiter und Mägde polnischer Nationalität, die er aber nicht zum Bürgertum zählt. Schließlich betont er, dass sich die oppositionelle Haltung innerhalb der Bevölkerung gegenüber den Regierungen, die das ehemalige Königreich Polen unter sich aufgeteilt haben, verstärkt habe. Er erörtert dann auch die treibenden Kräfte für diese Entwicklung. Vor allem der Adel nutze die einfache Bevölkerung für seine Interessen. In der Folge kommt er auf den katholischen Klerus zu sprechen und betont dabei, dass der Klerus auf Grund der schlechten Ausbildung der meisten Priester der politischen Radikalisierung nicht entgegenwirken könne. Dabei glaubt Haxthausen, dass gerade der Klerus und insgesamt eine Verbesserung der Bildungseinrichtungen, dem polnischen Nationalismus entgegenwirken könne. Er macht hierzu verschiedene Reformvorschläge, unter anderem rät er zur Wiederzulassung des Jesuitenordens in Polen. Neben den Jesuiten sollten auch andere Orden mit der Erziehung der Jugend betraut werden.
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Sur la pacification de Districts polonais 1856
Nous ne considérons pas ici la Pologne dans toute
l'étendue de son territoire ancien ou nouveau mais uniquement les districts
polonais proprement dits, habité par la nationalité polonaise, et parlant cette
langue.
Nous excluons donc ici préalablement, de notre considération les
districts où réside une population russe ou lithuanienne et où la noblesse est
presque seule de nation polonaise. Dans la Pologne ainsi désigné nous distinguons sous le rapport politique
trois états ou trois classes: la Noblesse, le Clergé et les paysans ou le Peuple. Il n'y a guère
de Bourgeoisie en Pologne, ou s'il y en a une,
elle est si peu nombreuse que dans l'ordre politique, elle peut à peine être
comptée. La population des villes, des petites villes surtout se compose
principalement de juifs et d'un nombre assez grand d'allemands. Il n'y a guère
que les ouvriers et les servantes qui soient Polonais, mais ils n'entrent
nullement dans la catégorie des Bourgeois, et il faut décidement les ranger dans
la classe du peuple.
84 ans se sont écoulés depuis la première division de
la Pologne en 1772, et 61 ans depuis le
démembrement définitif en 1795, la génération actuelle est donc née en très
grande partie depuis que le royaume de Pologne a
cessé d'exister, et il est naturel, que même les hommes de 60 an et au de là
n'aient d'un royaume indépendant de Pologne
qu'une idée assez vague, que de faibles et obscurs souvenirs.
Cependant un
fait incontestable et qui frappe tout observateur, c'est que dans ce long
intervalle la population polonaise loin de loin de s'attacher aux gouvernements,
aux quels elle fut soumise, de s'assimiler aux états, aux quels elle fut
incorporée de s'unir au reste des habitants pour ne former qu'un seule et même
tout politique maintient au contraire vis-à-vis du pouvoir une attitude
tellement raide et hostile (en sa pluralité) qu'à toute occasion où elle crut
pouvoir espérer quelque appui du dehors elle se révolta ouvertement contre les
gouvernements existants. Et on ne peut se dissimuler que l'aigreur et
l'hostilité au lieu de diminuer à la longue – depuis 60 à 80 ans – a pris au
contraire un plus grand ascendant.
Dans les districts, qui furent détachés
du royaume de Pologne en 1772 on ne vit pas la
moindre résistance contre l'occupation prussienne; au contraire dans ces
districts comme dans le reste de la
Pologne
, le parti nombreux de dissidents se déclara
ouvertement pour la Prusse. Et lorsqu'en 1793
et 1795 on occupa les districts, auxquels on a donné le nom de nouvelle Prusse orientale et méridionale il n'y eut aucune
irritation prononcée en général, même en 1807 lorsque Napoléon provoqua un soulèvement général
contre la Prusse, ce soulèvement ne fut ni
chaleureux ni général, bien qu'il eut lieu sans danger, sous la protection des
bayonettes françaises.
Ce n'est que depuis 1815 que dans tous les districts
de la vieille Pologne l'opposition et la haine
profonde contre les gouvernements étrangers, comme ils les nomment, n'ont fait
de jour en jour que de s'accroitre, et de s'envenimer.
Les gouvernements ont
fait beaucoup pour obvier à cette antipathie. La Russie octroya au royaume de Pologne une position libre et presqu'indépendante avec une
constitution libérale. La Prusse donna d'abord
au duché de Bosnanie un gouverneur à part, et
polonais d'origine, et plus tard une constitution provinciale; on facilita les
communications, on releva le commerce et l'industrie, on améliora l'instruction
etc. Mais tous ces bienfaits extérieurs non plus que les mesures d'énergique
rigueur mises en œuvre plus tard, n'aboutirent à aucun résultat. Les bienfaits
furent reçus sans reconnaissance et les rigueurs ne firent qu'aigrir
l'exaspération.
J'exprime ici une conviction commandée par la force des
choses en disant que les gouvernements dans les mesures prises par eux jusqu'ici
ne sont pas allées à la vraie racine du mal.
J'ai dit plus haut que la
population polonaise comprend trois états: la Noblesse, le
Clergé et les Paysans.
Les paysans
polonais sont en général des gens de bonne trempe, doux, paisibles, sans cesser
d'être braves et courageux au besoin, ils sont très soumis, très pieux mais peu
actifs et industrieux. Le paysan obéit à l'aveugle à ses supérieurs immédiats, à
ses prêtres, à son seigneur. Sans susceptibilité pour les idées politiques et
sociales, il est d'autant plus inflammable par le coté religieux. À ce fond
religieux se joint un sentiment national très prononcé. Il n'estime pas en
général l'étranger (le niemitz) mais sur toute la partie de Pologne qui longe les districts allemands les noms de Polonais et
de catholique d'Allemand et de protestant sont pour lui identiques. Et pour ce
dernier en particulier il a une aversion prononcée.
La Noblesse en
Pologne
est plus nombreuse que
partout ailleurs, vu qu'une partie des habitants de la campagne (les Seliachta)
se range dans cette classe. Elle était jadis si nombreuse qu'entre elle et les,
paysans qu'elle gouvernait, il existait un rapport à peu prés analogue à celui
des Francs aux Gaulois. Le noble a un tout autre caractère que le paysan. Il est
très spirituel, mais léger inconstant, intrépide et toujours prêt au combat,
ennemi du travail, aimant les aventures. Il conserve encore dans son sang le
type primitif des cavaliers nomades de l'ancienne Scythie, dont il
descend.
La Noblesse gouvernait le royaume de Pologne sous tous ses rapports, sa caste constituait une parfaite
démocratie. Eques polonus par omnibus nemini secundus: dit le droit d'Etat de
Zamoiski. Elle se choisissait un roi à vie, mais elle en limitait le pouvoir, en
sorte qu'il n'était guère plus que – primus inter pares. Cela étant il est tout
naturel, que la Noblesse polonaise ne supporte qu'avec une extrême répugnance le
joug d'une domination étrangère, qui après tout l'a réellement
détrônée.
Toute fois ces antipathies, qui se déclarent d'ordinaire sur un
sol nouvellement conquis ou incorporé de quelque autre manière, se calment à la
longue et finissent insensiblement par s'éteindre, lorsque la vieille génération
ayant disparu, et que la nouvelle génération née sous le régime nouveau ne
connait plus l'ancien, que par des souvenirs empruntés, que sous le nouveau
gouvernement elle s'est insensiblement assimilé aux autres ressortissants de
l'état, et en a partagé maintes fois les foies et les épreuves.
Il en est
tout autrement de la noblesse polonaise. Chez elle après 60 à 80 ans la profonde
antipathie, qu'elle a pour les gouvernements dominants va croissant d'une année
à l'autre. Non seulement elle fuit le service, les emplois civils presque
complètement, le service militaire chaque fois, qu'elle peut éluder la loi, qui
l'y force; elle va plus loin, elle ne néglige aucune occasion de souffler la
révolte, ni ne cesse de conspirer entre temps. Peu à peu l'idée de la
nationalité Polonaise, du rétablissement et de l'indépendance de la Pologne, est devenue une idole, qu'on entoure d'une
aveugle idololâtrie [idolâtrie]. Toute espèce de discernement entre le droit et
l'injustice, toute saine réflexion sur le but à atteindre, sur les moyens et les
chances de réussir, doit céder à une aveugle exaltation; avec un dévouement
digne de la plus noble cause on se jette dans les entreprises les plus
téméraires, les plus désespérées. Il en est bon nombre, qui ont sacrifié leur
personne, leur famille, leur fortune à des projets, qu'ils prévoyaient devoir
échouer, seulement pour qu'il ne fut pas dit: qu'ils étaient restés en arrière,
quand une fois des insensés avaient ourdi une trume, ou pour dire à l'Europe, que la Pologne ne dormait pas, qu'elle protestait encore contre
l'usurpation. Quant à l'organisation à donner au royaume de Pologne ainsi projeté il n'y a guère moins d'avis que
d'individus. En général on les voit déjà maintenant divisés en deux camps
hostiles, et se harcelant l'un l'autre: le parti opulent des Aristocrates, et la
partie moins riche mais plus nombreuse de la démocratie.
La noblesse
polonaise, bien qu'on la voie en général peu affectionnée aux pratiques
religieuses, et même frivoles en partie, est néanmoins fort dévouée à l'église
catholique, et malheureusement elle cherche par-ci par là à en arborer
l'étendard pour mieux abriter ses projets politiques. Elle sait, que la masse du
people est peu sensible à ses idées politiques, mais qu'elle l'est d'autant plus
aux intérêts religieux. Aussi voit on les paysans prendre part à toutes les
tentatives d'insurrection, qui ont lieu dans les provinces polonaises soumises à
la Prusse et à la Russie, mais nullement dans la Pologne autrichienne où en 1846 et 1848 ils se déclarèrent en
grande partie pour le gouvernement.
Le clergé catholique de la Pologne en général et celui des districts unis à la
Russie en particulier, est peu avancé sous
rapport de la culture, et de la discipline. Les Instituts monastiques y sont
fort déchus, il n'y a que les Capucins et les réformés, que
j'ai entendu louer. Les premiers, dit-on, exercent une influence salutaire
notamment sur les haute classes de la société auprès desquelles ils jouissent, à
Varsovie surtout, d'un crédit marqué. Les reformés au contraire agissent plus
directement sur la masse. Le clergé séculier est peu
discipliné et peu instruit. Et ici les gouvernements si non dans leurs premiers
organes, du moins dans les fonctionaires [fonctionnaires] inférieurs, ne
sauraient décliner un reproche, celui de n'avoir que peu ou rien fait pour
améliorer l'éducation, le développement, la discipline du Clergé catholique en
Pologne, de l'avoir même entravé parfois
positivement. Les gouvernements semblent en cela être partis de la supposition
entièrement fausse, que l'église catholique leur était hostile, tandis que cette
disposition ne se trouve que dans une partie de ses représentants, y joint, il
est vrai, un bon nombre d'Ecclésiastiques polonais, partie influences par la
noblesse polonaise, partie places par elle. Et comme le clergé catholique exerce
sur le people une aussi grande influence, et qu'il s'en sert pour l'aliéner du
gouvernement, on s'en est pris à l'église catholique et on lui a fait expier les
écarts de ses prêtres, au lieu d'user d'un tempérament, qu'une politique sage et
prévoyante eut pourtant conseillé, de seconder autant que possible l'Eglise et
ses institutions, de l'aider à former un meilleur clergé, et de ne contrôler
avec une inexorable sévérité que les Ecclésiastiques suspects et dangereux. On
pourrait facilement se convaincre, que le remède est précisément là, où est le
danger. La racine du mal en effet est dans l'éducation de la nation polonaise
sans en excepter aucune classe, une éducation mieux dirigée animerait ce corps
d'un meilleur esprit.
Car, il faut le dire, quelque noble, que soit
d'ailleurs l'amour de la patrie, l'attachement à la race, cependant cette espèce
d'idolâtrie, que l'on voue à la nationalité n'est qu'un reste du paganisme, il a
passé à l'Europe chrétienne à la suite de la
littérature classique grecque ou romaine faisant partie de nos enseignements. Il
est vrai, que la noblesse polonaise se ressent peu de cette éducation classique.
Mais il est vrai aussi, que ces idées payennes [païennes], qui érigent le peuple
et sa patrie en idoles, ont su, grâce à l'éducation française, s'y faire
accueillir partout et ont porté jusqu'au fanatisme le sentiment juste et naturel
de la nationalité.
Or le christianisme exige une obéissance enière [entière]
à l'autorité, et aux dépositaires du pouvoir. C'est la doctrine de toute
l'église en orient comme en occident. Cet assujettissement de notre être et de
notre volonté à l'autorité établie par dieu, à l'autorité Ecclésiastique comme à
l'autorité politique, l'Eglise le considère comme le fondement comme un premier
principe de son existence.
Si donc en Pologne
le sentiment national et l'amour de la patrie portés jusqu'à l'idolâtrie ont
entrainé et entrainent encore le peuple au forfait de la révolte contre les
pouvoirs établis, c'est la une espèce d'hérésie, que le chef de l'église
catholique a désignée comme telle, lorsqu'en 1851 dans une Encyclique, qu'il
adressa, il exhorta les évêques de la Pologne à détourner les fidèles de toute
espèce de rébellion et. cet.Il y a donc des défauts dans l'Education du peuple
polonaise qui empêchent les doctrines incontestables de l'église catholique d'y
pousser assez avant leurs racines. Mais un peuple catholique ne saurait être
formé que par le clergé catholique. Et si le clergé lui-même est négligé sous le
rapport moral et scientifique, si la discipline est relâchée parmi ses membres,
ainsi qu'on le voit actuellement en Pologne, comment donnera-t-il au peuple une
bonne éducation? Certes il aura beaucoup de pouvoir pour faire le mal, mais fort
peu pour faire le bien! Il lui sera facile, à lui seul, ou conjointement avec la
noblesse, de soulever le peuple, mais il aura de la peine à le
contenir.
Quant à la noblesse polonaise, en particulier en fait d'éducation
il règne chez elle depuis deux siècles une grande sympathie pour les français
[Français] et pour tout ce qu'en tient. Et depuis qu'une partie du royaume est
passé à la Prusse, il s'est produit en outré
une antipathie ouverte contre les allemands, au moins contre les ressortissants
du nord. Il est dès lors naturel, que la noblesse d'une génération à l'autre
s'efforce d'approprier à ses enfants l'éducation, les mœurs, la manière de voir,
de penser des français [Français]. L'affinité de son caractère l'en rapproche
d'ailleurs bien plus, que des allemands. Aussi depuis 4 à 5 générations la
jeunesse noble de Pologne est formée par des
instituteurs, et gouvernants venus de France. Mais l'esprit philosophique et encyclopédique du XVIIIe
siècle s'est introduit avec eux, le libertinage de la pensée et les mœurs
frivoles s'accréditèrent généralement parmi ceux, qui prétendaient avoir reçu
une éducation distinguée. En sorte, qu'il ne faut pas s'étonner, si dans les
mouvements politiques des dernières années du siècle précédent, l'on voit toutes
les idées de la révolution française s'allier aux nobles élans du sentiment
national. Et de nos jours encore ce même esprit caractérise tout les menées de
l'insurrection polonaise.
Or cette infiltration de l'esprit français dans le
caractère de la noblesse polonaise n'est pas demeurée sans conséquence pour le
clergé de Pologne. Les sciences et les arts, la
philosophie et la poésie même ont reçu en Pologne
une teinte toute française. Et comme la langue française y est devenue non
seulement la langue ordinaire des conversations, mais pour ainsi dire, la langue
des familles – nulle part la littérature française n'est aussi répandue qu'en
Pologne.
Il résulte, je crois, de cet
exposé qu'un devoir impérieux et sacré des gouvernements placés a la tête des
districts polonais, est de combattre l'esprit révolutionnaire à la racine, c. a.
d. dans l'éducation nationale à tous ses degrés.
Les gouvernements l'ont
bien senti et ils mirent en œuvre tous les moyens en leur disposition, mais
juisqu'ici [jusqu'ici] ses moyens ont fait preuve d'insuffisance absolue. On a
soumis la littérature polonaise à un contrôle sévère, mais en Pologne on préfère les livres français aux ouvrages
polonais, et il a été absolument impossible d'empêcher l'importation des
premiers, où se trouve le poison le plus dangereux. On a réglementé les écoles
de toute manière, on les surveille sévèrement. Mais les instituteurs
ecclésiastiques ou séculiers sont naturellement polonais, et plus ou moins imbus
des fausses doctrines politiques indiquées plus haut. Ils se gardent bien de les
prêcher en public ou dans les classes, mais ils passent sous silence tout cet
objet d'enseignement, ou ne font que l'effleurer. En un mot, ils ne proposent
pas la vérité ou ne la proposent pas assez énergiquement et une tradition sourde
et générale transmet par mille canaux l'erreur révolutionnaire, qui fascine les
sens et entraine le sentiment.
On est, je crois, persuadé aujourd'hui, que
tous le moyens imaginés et employés puisqu'ici n'ont guère atteint la racine du
mal et qu'au lieu de diminuer d'une année à l'autre ce mal ne fait que gagner,
qu'empirer.
N'entrerait-il pas maintenant dans les vues d'une politique sage
et éclairée de chercher à remédier a mal là, où le mal a sa source, où il puise
du moins sa vitalité et sa force, mais où aussi, en cherchant bien, on
trouverait le remède, qui en triompherait?
J'ai fait remarquer plus haut,
que le redoutable levier de la révolution près la masse du peuple polonaise
n'est pas dans les idées politiques, ni dans le sentiment national; car bien que ces idées et ce sentiment trouvent de
l'écho dans les masses et soient généralement répandus, ils n'ont pas cependant
l'empire, qu'il faut pour les fanatiser, mais il est surtout dans les convictions religieuses. Là est le grand mobile, qui ébranle
les masses; les coriphées [coryphées] de la révolution sont parvenus à faire
croire au peuple et surtout au clergé polonais, que tous les efforts avoués ou
déguisés des gouvernements existants n'avaient d'autre but, que la destruction
de l'Eglise et la suppression de la religion catholique en Pologne.
Cette
croyance ou pour mieux dire, ce dangereux instrument de révolte les
gouvernements ne sauraient l'anéantir, qu'en protégeant et en favorisant
ouvertement l'église catholique, qu'en la reconnaissant tout de bon comme le
fondement spirituel de la doctrine qui seule maintient les états, je veux dire,
de l'obéissance et de la soumission dues aux autorités Ecclésiastique et
séculières, en tant qu'elles sont établies par dieu. Que les gouvernements
prouvent par des faits au monde et aux représentants de l'église, que ce
principe est la règle de leur conduite, et on aura enlevé à la révolution
polonaise sa plus forte base.
Mais ainsi que nous l'avons dit, le principe
une fois reconnu doit se révéler par les faits. Il ne suffit pas de s'entendre
en général avec Rome, il faut accorder à
Rome et à l'église catholique en Pologne les moyens et la liberté d'en user et
d'écarter les obstacles, afin qu'elle puisse se relever elle-même, et se
régénérer.
Ce qu'il faut avant tout à l'Eglise de Pologne c'est qu'il soit
mis un terme à la vacance des sièges Episcopaux, et que ces sièges soient
remplis dignement. On dit que des négociations viennent d'être entamées avec
Rome à ce sujet. Le premier et le plus
puissant besoin est ensuite la réforme complète de tout le clergé catholique.
Les gouvernements ne peuvent en cela prendre l'initiative, mais ils peuvent
engager Rome et les Evêques à le faire et
appuyer leurs résolutions. Il faut en particulier une réforme complète du clergé
monastique, que le pape seul pourra faire à la requête des évêques. Il faut
rétablir la discipline et les mœurs, supprimer les monastères entièrement déchus
et les assigner à des congrégations actives et mieux dirigées. Il s'agit en
outré d'une éducation rigoureusement cléricale du clergé séculier, qui à son
tour doit instruire et guider le peuple.
Aujourd'hui les jeunes gens, qui se
destinent à l'état ecclésiastique dans le monde, y reçoivent une éducation toute
mondaine. Ils demeurent chez leurs parens [parents] où chez d'autres
particuliers, fréquentent les écoles et les gymnases, et ce n'est qu'après avoir
terminé leurs études qu'ils se décident sérieusement à embrasser l'état
Ecclésiastique et qu'ils entrent au séminaire. Jusque-là donc ils sont restés
sans protection contre la fausse philosophie, contre les idées et intérêts
révolutionnaires et ils ont bientôt perdu toute habitude de discipline. Or les
vingt ans passes on ne la reprend et ne s'y soumet que difficilement. Et
pourtant la discipline est plus nécessaire au prêtre catholique que le savoir –
c'est un point que l'église catholique ne perdit jamais de vue. Les décrets du
Concile du Trente recommandent et ordonnent pour chaque diocèse l'érection de ce
qu'on appelle petits séminaires, où les jeunes gens sont reçu
même avant leur deuxième année pour être formés et préparés au future sacerdoce.
Partout où il y en a spécialement en france
[France] et plus récemment en Allemagne,
ces établissements ont parfaitement répondu à l'attente. Les jeunes prêtres qui
en sortent, se recommandent éminemment mieux pour la discipline et les mœurs,
que ceux qui sont entrés au séminaire après avoir reçu leur éducation dans le
monde.
Il faudrait donc ériger de ces petits séminaires dans tous les
diocèses de la Pologne et en assez grand nombre,
pour que tous les prêtres futurs pussent y recevoir leur éducation. Quant aux
fonds requis à ce sujet les gouvernements devraient mettre à la disposition des
Evêques les biens des monastères supprimés ou sécularises. La Bulle de Pie VII pridie calend. Jul. 1815 ordonne aux
Evêques de Pologne d'ériger des petits séminaires
(seminaria puerorum) mais faute de ressources cet ordre, à ce qu'on m'a dit, n'a
pu être exécuté jusqu'ici.
Quant à la surveillance, que l'église serait
appelée à exercer sur les écoles, les gymnases, les progymnases, ce serait
l'objet d'une attente ultérieure.
Il s'agit maintenant de savoir comment
créer les capacités enseignantes? Où prendre les maitres et ses instituteurs,
aux quels on puisse confier en toute sureté ces importants
établissements?
Il est clair qu'en Pologne on
ne saurait les trouver en nombre requis. Les gouvernements ne peuvent s'y
reposer que sur un fort petit nombre d'instituteurs Ecclésiastiques ou
séculiers, je ferais même grande difficulté d'accorder ma confiance à des
hommes, qui y affectent le dévouement à la cause du gouvernement et montrent un
zèle empressé à s'en mériter les faveurs.
J'ai une entière conviction, qu'il
n y a qu'un seul moyen de combler ce vide et de lever la difficulté, c'est
l'introduction de l'ordre des Jésuites en Pologne.
Les Jésuites sont en Allemagne depuis 1850;
partout ils ont combattu de front et de toutes les forces la révolution et ses
idées, et partout le ciel a béni leurs efforts, dans le Grand duché de Bade surtout ils ont puissamment contribué à
ramener au devoir la population catholique. Accueillis et surveillés partout
avec méfiance par les gouvernements protestants ils n'ont jamais fourni
jusqu'ici le moindre sujet de plainte ou de grief.
Moi comme catholique je
n'avais pas le droit d'être hostile à un institut approuvé par le chef de
l'église, dans la défiance toutefois où j'étais à leur égard j'ai suivi depuis
longtemps et d'un œil attentif tous leurs mouvements, mais je me suis toujours
vu amené à cette conclusion; qu'il n'est pas d'institution religieuse plus
propre et répondant mieux au besoin le plus impérieux de l'époque, à la lutte
contre la révolution et les idées révolutionnaires, que l'ordre des
Jésuites.
Cet ordre prit naissance au temps ou la réforme se voyait portée
en triomphe, ou un prince après l'autre et des nations entières se détachaient
de l'église-mère. Fondé par un soldat l'ordre se montra guerrier dés sa première
entrée dans le monde, partout il s'oppose comme un boulevard aux progrès de la
reforme, telle était alors sa tendance. En appelant S. Loyola à la fondation de
cet ordre la providence fournit le moyen, qu'il fallait pour entourer l'Eglise
de la protection promise aux temps du danger, l'ordre, il est vrai, ne triomphe
pas de la reforme, mais elle cessa dès lors de s'étendre, et resta resserrée
dans certaines limites, qui n'ont presque plus varié dans la suite.
L'ordre
avait ainsi rempli sa mission première, il se voua depuis aux missions
étrangères. La tâche en Europe se borna à
l'éducation des hautes classes et du clergé séculier, on ne lui contestera pas
le mérite dans cette position, d'avoir reconnu de bonne heure les germes
naissants du faux libéralisme et de la révolution. Mais trop de causes
concouraient à la fois à leur développement, et il n'a pas été assez fort, ni
peut être assez frais de vigueur pour former seul un contrepoids victorieux. Il
succomba aux attaques d'adversaires, dont plusieurs ne comprirent pas, qu'ils
abattaient en lui une puissance alliée, il succomba à la suite de quelques
fautes ou griefs imputables à quelques uns de ses membres; mais qu'on sut
exploiter aves succès contre l'ordre lui-même.
On n'a jamais reproché aux
Jésuites le relâchement de la discipline, la nonchalance, le luxe ou des mœurs
trop libres; mais bien d'avoir cherché à influencer la politique et l'état,
d'avoir semé partout la division et le trouble – le fait est, que dans les pays
catholiques les Jésuites avaient élevé ou formé les princes et la généralité des
prélats et des magistrats. Or n'était-il pas naturel, que ceux-ci conservassent
un grand attachement, témoignassent une entière confiance à leurs anciens
maitres, qu'ils en prissent conseil en bien des rencontres?
On a cherché à
en faire des intriguants [intrigants] de profession, insatiable de pouvoir et de
richesses, c'est à tort. Ils n'avaient nul besoin de s'évertuer, c'était là des
fruits murs, qui se détachaient eux-mêmes de l'arbre, et tombaient dans leurs
mains.
Ont-ils mésusé de leur influence? Les recherches historiques à ce
sujet sont loin d'être closes. Je n'ose porter un jugement, toujours est-il
possible, que les chefs et les membres d'alors de l'ordre aient eu des griefs à
leur charge. Sans cela comment dieu aurait-il permis, qu'ils fussent supprimés
et persécutes de la sorte? Je crois à des châtiments immédiats de la providence
dans l'histoire du monde – mais revenons aux temps et aux Jésuites
actuels.
En point de vue religieux la réforme ne semblait être d'abord,
qu'un simple différend de famille, une divergence de dogmes, cependant elle
nourrissait déjà dans son fond un germe, que ses progrès firent éclore, le germe
du reniement de toute autorité existante.
Or ce germe se
développa dans toute la chrétienté et principalement dans les pays catholiques.
C'est l'esprit de négation, le renversement de toute autorité Ecclésiastique ou
politique, le rêve antichrétien de la révolution.
Après un long combat la
révolution se vit domptée extérieurement en 1815; mais son esprit vivait encore
dans les masses et s'insinuait toujours plus avant dans la vie intime du corps
social. L'Eglise le reconnut, et bientôt après 1815 elle rétablit l'ordre des
Jésuites, l'ordre qui mieux que tout autre avait saisi et s'était approprié le
principe de l'obéissance pure et simple, de la soumission à l'une et à l'autre
autorité.
St. Ignace de Loyola avait dit:
que les autres frères
religieux l'emportent sur
le mien en bien des choses. Quant à
l'obéissance
et à l'assujettissement entier aux
autorités établies par
dieu, j'entends, qu'il ne
soit surpassé par aucun.
Que la tâche
spéciale de l'ordre des Jésuites depuis son rétablissement en 1815 soit de
combattre en tout et partout la révolution avec ses principes délétères et
athées, d'accréditer au contraire de toutes ses forces les principes
conservateurs et tutélaires, à l'appui de l'une et de l'autre autorité, que de
plus il soit en joint aux Jésuites notamment à ceux d'Allemagne et d'Autriche de
s'abstenir de tout espèce de polémique écrite ou orale contre le protestantisme,
c'est ce qu'il serait facile de constater et sur quoi je pourrais au besoin
fournir des documents authentiques.
Depuis 1850 les Jésuites se trouvent à
plusieurs centaines dans les différents diocèses de la Prusse. La constitution y garantissant l'intégrité et
l'indépendance de l'église catholique et de ses institutions, la loi ne s'oppose
pas à leur existence. Cependant les agents du pouvoir les surveillent d'un œil,
on le conçoit, méfiant, mais jusqu'ici il n'y a encore un mot de plainte contre
eux.
Il y a aussi des Jésuites dans la ci-devant province polonaise de
Posmanie, mais par suite de difficultés et entraves locales, ils n'ont encore pu
s'y établir qu'en fort petit nombre.
Par contre ils sont en plaine activité
dans la Pologne autrichienne, sans que rien ne
les entrave, et il est à prévoir, qu'à la suite du Concordat leur action verra
s'ouvrir un champ et plus vaste et plus varié.
Il s'agit donc surtout de
l'admission des Jésuites en Pologne et dans les
provinces Russes habitées par la nationalité polonaise.
Fréderic II. de Prusse et Catherine II. de Russie souverains au coup
d'œil aussi calme et rassis que vaste et profond en fait de politique, dont le
froid calcul égalait la sagacité et à qui l'on ne saurait reprocher une aveugle
prédilection pour le catholicisme et ses institutions – ont fort bien reconnu
l'un et l'autre le principe fondamental de l'ordre, la doctrine sur le respect
dû à l'autorité, ils l'ont cru entièrement utile et même absolument
indispensable aux écoles et à l'éducation de leurs sujets catholiques, et comme
tel ils l'ont partout protégé. Même après que le pape eut supprimé l'ordre en
1772, Fréderic II voulut, que
l'enseignement des Jésuites subsistât jusqu'au bout sous la direction des pères
sécularisés.
Catherine II. alla
même plus loin en ce qu'elle détermina le pape non seulement à ne pas faire
publier en Russie la Bulle de suppression,
mais à approuver formellement l'existence ultérieure de l'ordre en ce pays;
l'ordre y a continué ses travaux jusqu'après la vingtième année de ce
siècle.
Bon nombre d'hommes d'Etat de Russie fort éclairés, qui ont encore vu l'ordre en pleine
activité et que j'ai entendu porter un jugement sur les Jésuites, n'ont su, que
les louer, et n'avaient aucun reproche à leur faire. Même à St.
Petersburg on n'entend que leur éloge joint à l'expression du
regret, qu'on les ait expulsés.
Ils furent bannis alors de Russie par suite d'une intrigue conduite, à ce
qu'on dit, par une femme piétiste fort connue Me de Krudener. On leur reprochait, m'a-t-on-dit, d'avoir eu
part au changement de religion de deux membres de l'église Russe, qui
embrassèrent la religion catholique, et qui les en avaient consultés; j'ai oui
dire, que l'accusation est toujours restée redevable des preuves.
Dans
l'Europe occidentale surtout chez les
protestants il existe une grande méfiance contre les Jésuites. Toute la presse
libérale ne se lasse depuis longues années de calomnier les Jésuites avec une
étrange persistance; auprès des protestants ils sont décries comme les ennemis
éternels et acharnés du protestantisme; près la foule des esprits forts, des
libres penseurs protestants et catholiques, ces fleurs de la médiocrité
éclairée, on les dépeint comme les fauteurs de l'obscurantisme, et les vils
ennemis de tout lumière.
Mais un fait, qu'on ne saurait contester c'est que
partout où la révolution triompha; soit à l'état de radicalisme anarchique,
comme à Rome sous Mazzini, soit à l'état de
lâche et faux libéralisme comme à Turin, à
Madrid etc. son premier exploit fut toujours
d'expulser les Jésuites comme ses plus redoutables antagonistes – ce seul fait
ne parle-t-il pas plus haut en leur faveur, que tous le discours pour ou
contre!
Si donc la Russie admettait les
Jésuites dans ses districts polonais, sous quelles modifications, sous quelles
formes et restrictions pourrait-elle le faire?
Si l'on ne veut pas en
traiter directement avec Rome, avec le pape et le général
des Jésuites, et se faire donner les garanties voulues, on pourrait en tracter
simplement avec les Evêques de Pologne.
On
leur pourrait déclarer:
Nous vous permettons d'appeler les Jésuites et de
leur confier l'éducation du clergé.
Nous vous permettons de reformer de
concert avec Rome tous les instituts monastiques existant
en Pologne, de supprimer les convents déchus et
d'utiliser leurs biens à de meilleurs fins.
Nous mettons à votre
disposition, pour autant qu'il en faut, les fonds, bâtiments et terres des
instituts supprimés ou sécularisés.
Nous consentons de plus à ce qu'outre
l'éducation du clergé, les Jésuites se chargent des écoles, des gymnases
existants, qu'ils en érigent de nouveaux ou bien qu'ils ouvrent d'autres
établissements suivant l'exigence [l'exigence]. Mais nous les contrôlerons avec
une inexorable sévérité et le premier d'entre eux qui s'avisera de débiter par
écrit ou de vive voix des maximes contraires à la sécurité de l'Etat, sera sans
autre façon transporté en Sibérie ou mis hors des frontières, de même nous ne
souffrirons pas que dans leurs discours ou écrits ils engagent une polémique
contre une autre confession, et moins encore, qu'ils cherchent à faire des
prosélytes.
Outre les Jésuites il serait bon d'admettre quelques autres
instituts voués à l'éducation comme les frères et les sœurs des écoles
chrétiennes, aux quels on confierait l'instruction des classes inférieures, et
des habitants de la campagne. Les plus urgent toute fois serait un ordre destiné
à élever les filles de la noblesse polonaise, je n'en connais pas de plus apte à
cet effet que celui des dames du sacré cœur fondé, il y a environ 30 ou 40 ans.
Il y a 15 ans qu'elles ont ouvert des maisons d'éducation dans la Pologne autrichienne, comme à
Lemberg et cet. et y ont produit des fruits
abondants.
Il ne reste plus, qu'à savoir d'où tirer un nombre suffisant de
Jésuites pour des instituts si divers. Parmi ceux d'Allemagne, d'Autriche,
d'Italie et cet. il n'y a point assez qui
soient polonais de nation, ou qui sachent parfaitement cette langue. A peine
s'en trouvera-t-il une centaine. Mais je sais par expérience, qu'ils se
recrutent parmi leurs élèves avec une étonnante rapidité. Et une fois introduits
ils auraient au bout de 6 à 8 ans assez de sujets pour doter de maitres et
d'instituteurs, tous les établissements de Pologne.