Macédoine Melloni an Karl Littrow
o. O., o. D.[1848/49] 1
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Regest

Der Physiker Macédoine Melloni bittet den Direktor der Universitätssternwarte in Wien, Karl Littrow, seine Publikation über die Thermochrose zu lesen, der Wiener Akademie der Wissenschaften darüber zu berichten und Auszüge aus seinem Bericht in den Wiener Tageszeitungen zu veröffentlichen. Melloni wurde zwei Monate zuvor seines Amtes enthoben. Er hofft, mit dieser Veröffentlichung seine Reputation im Ausland wiederherstellen zu können und damit auch die Unterstützung Österreichs zu gewinnen. Melloni berichtet Littrow dann über die Umstände seiner Entlassung. Die Gründe dafür sieht Melloni nicht bei sich, da er sich nie politisch engagiert habe. Sein Versuch, beim König vorzusprechen, um die Sache aufzuklären, blieb bisher erfolglos. Melloni beklagt auch die fehlende Unterstützung durch einflussreiche Persönlichkeiten aus seinem Umfeld. Es gelang zwar, den Exilsbefehl auszusetzen, aber die Amtsenthebung blieb bestehen. Ohne Einkommen stehe Melloni nun vor dem finanziellen Ruin. Seine Situation werde sich zudem durch weiteren Familienzuwachs noch verschlimmern. Melloni hofft nun auf die Unterstützung durch Littrow. Schließlich geht Melloni noch auf seine Publikation über die Thermochrose ein und hält fest, dass es sich dabei nicht nur um eine Zusammenstellung seiner vorangehenden Arbeiten handle, sondern der Text um unveröffentlichte Experimentreihen sowie um neue Fakten und Argumentationen ergänzt wurde. Die Arbeit präsentiere somit neue, bisher unveröffentlichte wissenschaftliche Erkenntnisse.

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Monsieur et illustre confrère!

Avez-vous oublié votre vieux camarade de l'amphithéâtre de Pompéi? On le dirait en ne vous voyant prenant aucune part aux invitations pressantes que le Ministre de S. M. l'Empereur de l'Autriche vous fait faire, moyennant leur consul de Naples, d'entrer en correspondance avec vous autres Messieurs les Académiciens de Vienne, car je pense qu'un savant tel que vous doit nécessairement appartenir à cette Académie de nouvelle fondation, dont nous ignorons ici les statuts et le catalogue des personnes qui la composent. Or, à moins d'avoir encouru votre disgrâce ou votre oubli, il semblait assez naturel que ces notes diplomatiques, communiquées sans doute aux parties intéressées avant leur départ, fussent accompagnées de quelques mots d'amitié pour votre ancien serviteur. Cependant, comme tous les souvenirs de Naples ne peuvent s'être effacés de votre mémoire et que je n'ai jamais eu la moindre pensée de vous nuire (bien au contraire!) j'avoue franchement que je ne me crois ni haï ni oublié par vous. Quoiqu'il en soit, j'obéis à l'invitation tant soit peu impérieuse du consul impérial en lui confiant deux exemplaires de mon premier volume de la Thermochrôse, l'un pour vous, l'autre pour l'Académie. Serai-je trop indiscret si je vous priais de prendre connaissance de cet ouvrage, d'en rendre compte à l'Académie et de faire insérer des extraits de votre rapport dans les journaux quotidiens les plus accrédités de Vienne? N'allez pas croire, je vous en prie, que rongé par une fièvre d'ambition littéraire je désire étendre ma petite renommée au delà des limites qui lui sont assignées...oh non! je vous assure la main sur le cœur qu'en écrivant mes mémoires je n'ai jamais visé qu'au progrès de la science et à l'approbation de ceux qui la cultivent avec succès. Mais la faveur que je demande peut contribuer puissamment à la tranquillité de mon existence, et peut être aussi à l'accomplissement du mandat que j'ai la folie de me croire destiné à remplir dans le monde scientifique; car le retentissement de mon nom à Vienne pourrait me fournier les moyens de reprendre les habitudes studieuses auxquelles le Ministère actuel du Roi de Naples, ou plutôt la Camarilla ignorante absurde et méchante qui domine maintenant le pays, vient de m'arracher. Oui Monsieur bientôt deux mois que, par suite de je ne sais quelle cabale souterraine, on m'a ôté emploi et honoraires sans me dire pourquoi et sans vouloir même insérer ma destitution, et celle de la presque totalité des professeurs les plus distingués de l'Université de Naples (Gasparrini, Costa, Nobile, Tommasi, Cassola et) dans le journal officiel! Imaginez-vous que, par un sentiment de délicatesse facile à comprendre je me suis tenu soigneusement à l'écart sous le règne constitutionnel. Je n'ai voulu m'affilier à aucune Société secrète ou publique, progressiste conservatrice ou rétrograde – je n'ai fréquenté aucun club ou cercle politique – j'ai repoussé l'offre de la naturalisation napolitaine afin d'éviter mon élection probable de pair ou député – j'ai même renoncé, sous trois Ministères successifs (Poerio, Imbriani et Bozzelli) aux honneurs de la vice-présidence de l'Instruction publique!...Il y a plus (et ceci est, à mon avis, la démonstration palpable de la nullité du rôle politique que j'ai joué à Naples pendant les deux années qui viennent de s'écouler). Lorsque la réaction était en pleine vigueur et que l'on emprisonnait une infinité de suspects, j'ai commencé l'impression de mon ouvrage (tiré à 3300 exemplaires) et j'ai acheté une maison de campagne que je me suis mis à rebâtir. Or, je le demande, aurais-je jamais risqué mon pauvre petit patrimoine ou de telles entreprises, dont la réussite exigeait absolument mon assistance personnelle, si ma conduite antérieure eût prêté le moindre point d'appui à l'inquisition politique? Et cependant, quelques semaines après, je reçus, de la part du Ministre de l'Instruction publique, l'avis charitable de filer silencieusement hors du Royaume pour éviter les mesures de rigueur qu'on allait prendre à mon égard. Je répondis, qu'ayant toujours fait mon devoir et respecté religieusement les lois du pays, je n'avais rien à craindre de la justice; et que, si des inculpations posaient réellement sur moi, je désirais qu'elles fussent publiquement discutées, dans la certitude que de ce débat, il en résulterait des preuves évidentes de mon innocence et des erreurs ou des calomnies dont j'étais l'objet. Deux semaines s'écoulèrent encore, et je fûs appellé chez le Préfet de police qui m'intima l'ordre de quitter le Royaume en huit jours. Je m'adressais aux Ministres pour demander la raison d'un tel procédé. On me répondit qu'elle n'était pas à leur connaissance mais qu'il fallait se résigner et partir. Je voulus avoir une audience du Roi...On me montra des notes de plusieurs centaines de noms, qui devaient passer avant moi. La panique était si grande et générale que pas un seul des hautes personnages du pays qui connaissaient parfaitement, et ma conduite irréprochable, et l'injustice de la mesure qui venait de me frapper, n'osa hasarder un mot en ma faveur. M. le Maréchal Martini, ambassadeur d'Autriche et chargé d'affaires de la cour de Parme me promit d'abord et me réfuta ensuite sa protection, sous le prétexte qu'il ne tenait encore de S. A. Charles III. que l'autorisation de signer les passe-portes! Alors, j'eus recours à l'Ambassadeur de Prusse. Cette heureuse démarche ne sauva pas le vaisseau, déjà fatalement engagé dans le brisant, mais elle me procura au moins une planche de salut. En effet, M. Brokhause m'accueillit avec la plus grande bonté, se concerta avec M. de Rayneval, ambassadeur de France,- et fit tout ce qui était en son pouvoir pour décider le Gouvernement à s'opposer aux saturnales anti-scientifiques de la Camarilla. Les Ministres promirent; mais, soumis eux-mêmes au pouvoir jésuitique qui entoure le thrône, ils ne pûrent empêcher ma destitution, et réussirent uniquement à suspendre l'ordre d'exil parlé contre moi.

Les évènements ayant franchi cette fatale période que Messieurs les diplomates appellent le fait accompli, quel est le meilleur parti à suivre? Appelé ici par le Roi de Naples et croyant avoir acquis par ma bonne conduite et mes études consciencieuses un certain droit à sa protection, j'ai fait la sottise d'aliéner ma petite propriété de Parme et d'en employer le montant à Naples. Les frais de ces opérations (rarement heureuses pour les savants!) et les malheurs de l'époque, ont tellement réduites mes moyen pécuniaires qu'il me faudrait traîner, sans emploi rétribué, une existence excessivement gênée; d'autant plus que ma famille est en train d'augmenter (mère, femme, et trois enfants bientôt). Si les hommes qui conduisent actuellement ce pauvre coin de la malheureuse Italie, ont la bonté de renoncer à me ruiner tout à fait et abandonnent l'idée de mon exil, je passerai donc l'hyver à Naples pour arranger mes affaires, pour terminer ma maison et tâcher de la vendre avec la moindre perte possible afin d'en placer la valeur d'une manière plus avantageuse, pour voir les choses venir, et me placer enfin moi-même ici, ou ailleurs. En attendant, comme les procès iniques ou absurdes, la destitution des juges qui ne veulent point vendre leur conscience au pouvoir, les connaissions; les violences sont arrivées à leur apogée; et qu'une telle manière de régir une population civilisée et intelligente ne saurait être durable, on croit généralement ici, que la Camarilla sera bientôt renversée. Alors, une restauration honorable de ma position scientifique à Naples deviendrait possible. Dans cette prévoyance, il me semble qu'il serait fort utile de recourir dès à présent à l'action conspirante des forces extérieures et parmi elles, je le répète, le retentissement de mon nom à Vienne exercerait la plus heureuse influence. Embouchez donc la trompette académique, Monsieur et cher collègue, et soufflez dedans avec toute la force de vos poumons. Si, par hasard, il y avait quelque place vacante d'associé étranger, honoraire ou correspondant, tachez de me la faire obtenir. On dit que votre jeune Empereur s'occupe beaucoup de mathématique et de physique. Dans ce cas le tapage que nous ferions dans la capitale serait on ne peut plus efficace; car si une exposition simple et claire des principales données contenues dans mon ouvrage arrivait jusqu'à lui et avait le sort de lui plaire, il pourrait en jaillir quelque marque publique de son approbation, qui viendrait s'ajouter à celles de la France, de la Prusse, de la Toscane et du Piemont, et alors le résultat en question serait presqu'assuré. Je suis vraiment houleux d'en être venu au point de désirer des signes extérieurs si peu concluants de mérite scientifique. Mais j'espère que les exigences de ma position vous rendront indulgent. J'espère aussi, d'autre part, qu'une lecture rapide de mon petit volume suffira pour vous montrer qu'il n'est pas tout à fait indigne d'attirer l'attention des vrais savants et qu'il ne manque pas de cette espèce de pâture intellectuelle qui convient aux gens du monde.

Et ici, Monsieur et ami, permettez moi de vous dire d'abord que ce volume n'est pas une pure compilation de mes précédents mémoires, mais un choix de certaines parties de ces mémoires modifiées ou complétés par plusieurs séries d'expériences inédites et de nombreuses additions de faits entièrement nouveaux et d'argumentations que je crois tout à fait rigoureuses. J'ajouterai que quelques unes des nouvelles expériences décrites dans mon ouvrage me paraissent d'une importance capitale; et peut-être votre opinion ne s'écartera-t-elle pas beaucoup de la mienne lorsque vous avez pris connaissance de la méthode indiquée page 129 et suivantes pour démontrer que le thermomultiplicateur donne les véritables rapports d'énergie entre les rayons calorifiques, et que vous aurez examiné l'artifice employé (page 104) pour prouver que toute sorte de chaleur rayonnante subit à la surface des appareils thermoscopiques noircis le même degré d'absorption. Vous trouverez des nombreuses innovations dans le 5ème § du Chap. IV qui traite de l'action exercée par les couleurs proprement dites sur la transmission rayonnante de la chaleur. Le second et le troisième § du même chapitre vous offriront des preuves irréfragables de l'existence de la thermochrôse dans les rayons calorifiques et dans les milieux susceptibles de les transmettre en conservant leur forme rayonnante. Je signalerai enfin à votre attention les théorèmes de l'hétérogénéité des flux de chaleur obscure qui forment la totalité de radiation des corps chauffées à de basses températures et la grande majorité du rayonnement des flammes et des corps incandescentes (page 290, 30b et suiv.). Ces flux hétérogènes de chaleur obscures constituent, comme vous verrez, la base fondamentale sur laquelle je m'appuie pour montrer que le rayonnement lumineux et le rayonnement calorifique possèdent la même constitution, dérivent d'un agent unique et forment une seule série de radiations, dont une partie opère sur l'organe de la une, et l'autre ne se dévoile à nos sens que par les phénomènes qui accompagnent l'échauffement des corps. Je ne sais si je me trompe. Mais une théorie diamétralement opposé à celle que m'avaient suggéré les résultats de mes premières recherches sur la chaleur rayonnante, une théorie qui convertit en autant d'arguments favorables les singulières oppositions observés entre la transmission calorifique et la transmission lumineuse justifie mieux que toute autre chose la nouveauté des éléments scientifiques contenues dans mon livre: car, tous les auteurs de physique que j'ai pu consulter gardent encore le silence sur la portée des différences présentées par les deux transmissions rayonnantes, ou leur donnent une interprétation contraire à ma manière de voir.

J'ai assez de confiance dans la bonté de votre cœur pour croire que cette longue exposition de science, de malheur, de prières et d'espoir, n'aura pas lassé votre patience; et que, malgré l'ennui éprouvé, vous conserverez encore le courage nécessaire pour écrire le rapport demandé. Mais si vos puissances d'action sympathique venaient à faiblir, souvenez vous que votre père, d'illustre mémoire, a contribué puissamment à la publication du premier volume de la Thermochrôse en prenant une part fort active aux influences académiques qui me procurèrent la tranquillité et les moyens nécessaires pour terminer les études qui ont servi à la rédaction de ce volume…et la piété filiale vous donnera aussitôt la vigueur nécessaires à l'accomplissement d'un travail, qui n'est, en dernière analyse, que la continuation de son œuvre! Adieu Monsieur et très honoré confrère. Recevez d'avance mes plus vifs remerciements pour la peine que je vais vous donner, et croyez-moi avec la plus complète affection de cœur

votre tout dévoué serv. et ami
Macédoine Melloni

P.S. En citant mon petit fond rural, j'ai oublié de vous dire qu'il est situé dans les faubourgs de Portici, au pied du Vésuve, que je comptais en faire ma résidence habituelle et y établir des observations simultanées avec celles du Salvatore. On aurait eu ainsi des données fort intéressantes, à mon avis, sur la marche comparée des phénomènes météorologiques produits au sommet d'une montagne isolée et dans la plaine environnante. J'oubliais encore de vous dire que la grande lentille à échelons avec laquelle j'ai pu démontrer, il y a environ cinq ans, la chaleur lunaire, fut commandée et payée par moi, dans l'espoir que sa valeur me serait remboursée plus tard sur les fonds assignés à l'Observatoire météorologique du Salvatore. Vous voyez, Monsieur et ami, que mes attentions et mes sacrifices ont été bien appreciés!